Si vous me suivez de manière régulière, vous devez avoir une vague idée de qui est Sorata. Si vous me lisez, vous l’avez sans doute même déjà croisé (dans Secret gelé, Le Choix de la Gargouille, Des proies pour l’ombre et même Je me noie). Sorata est, avec Awana (elle, vous ne la connaissez que si vous m’avez suivie à mes débuts sur le net), mon plus vieux personnage. D’ailleurs Sorata (Cycle des Pourpres) et Awana (Cycle Réminiscence) fonctionnent un peu en miroir. Mais ça, c’est une autre histoire. Sorata, mon plus vieux personnage, disais-je, le premier à avoir tapé l’incruste dans ma tête alors qu’il ne devait être qu’un personnage secondaire. Comment notre création peut-elle nous « échapper » ? Je vous raconte ça. Créer un personnage L’idée d’un personnage peut venir n’importe quand et de n’importe où. Il peut nous être inspiré par un proche, une célébrité, une image, une chanson ou même un sentiment. Sorata m’est venu en même temps que son petit frère Shaun, après avoir visionné l’anime X 1999 des Clamp, à une époque où j’étais également fascinée par l’univers du jeu de rôle Vampires, la mascarade de White Wolf. Je me suis alors lancée dans l’écriture des « Anges déchus » (qui deviendra plus tard « Ange déchu ») avec pour seule idée deux frères vampires vivant dans un monde où les humains connaissent leur existence mais les croient éteints. Shaun était censé être le héros, celui dont on a besoin autant pour créer le problème que pour le régler. Cet état de fait m’a amené à le placer dès le début dans une situation de long emprisonnement, m’obligeant pour quelques temps à faire évoluer Sorata, le grand frère protecteur, afin qu’il le retrouve. Cette cohabitation par nécessité a changé la nature de ma graine et donc de mon roman, puis de mon univers. Sans oublier ma relation avec Sorata. Mon personnage fait ce qu’il veut Quand on explique aux gens que nos personnages, parfois, s’incrustent parce qu’ils font ce qu’ils veulent, cette notion n’est pas comprise. Pour eux, l’auteur a la mainmise sur l’histoire et sur les personnages fictifs qu’il manipule. Dans les faits, c’est strictement vrai. Mes personnages n’apparaissent pas à côté de moi pour me dicter ce que je dois écrire les concernant. Cependant, je ne fais pas non plus ce que je veux. Pourquoi ? À cause de la cohérence. Quand je commence un roman, je n’ai qu’une vague idée de qui sont mes personnages. Ils ont un nom, un âge, une famille, un métier et une grande ligne de caractère. À ce moment de la rédaction, j’ai parfois des idées de scènes clés, ou des envies concernant ce qu’il va se passer. Mais en écrivant mes personnages, en les confrontant à divers situations et divers protagonistes, ils gagnent en épaisseur, en caractère. Ainsi, une fois que cette base est solidement posée, mes personnages réagiront aux situations futures en accord avec leurs idéaux, leurs principes, leur morale, leur éducation… et ces réactions seront parfois en totale opposition avec ce que j’imaginais au début. Par souci de cohérence, je me dois donc d’aller là où « veut » aller le personnage, sans quoi le lecteur notera l’incohérence dans son attitude. Par exemple, si je vous dis qu’une BD montrant Superman en tueur en série sadique est prévue, vous n’y croirez pas parce que ça ne colle pas avec ce que vous savez du super-héros. Pour que vous l’acceptiez, il faudrait que l’histoire se passe dans un univers alternatif à celui auquel vous êtes habitué et que ce constat de départ vous soit exposé. C’est pareil avec tous les personnages. Aller contre ce qu’ils sont, c’est ce qui crée parfois chez le lecteur une déception, parce que le traitement ne lui semble pas logique par rapport à ce qu’il sait. Avec Sorata c’était pareil : ne pas en faire le héros n’était pas logique. L’alter ego Au-delà de l’aspect littéraire, Sorata est devenu pour moi plus qu’un ami, presque un alter ego. Il est à la fois ce que je suis et ce que j’aurais aimé être, tout en étant différent sur bien des points. À sa création, il devait être un jeune homme agréable, souriant, courageux et volontaire mais plusieurs choses ont fait qu’il est devenu lui. La plus importante d’entre elles a été le décès de ma marraine l’été de mes 16 ans. J’avais déjà mis en terre deux tantes et une grand-mère, alors le choc a été dur à encaisser. Sorata était là, spectateur muet dans mon esprit, et il a pris sur lui une part de mon chagrin, de ma douleur. Au fur et à mesure des années, de mon histoire et de la sienne, il a gagné en puissance et en distance là où l’adolescente cassée que j’étais perdait en goût de vivre et en confiance en soi. Pour ne pas tirer un trait sur tous ces morceaux de moi, je les lui ai confiés. Plus je perdais confiance, plus le monde d’origine de Sorata, ainsi que son environnement proche, devenaient violents et plus son personnage acquérait les moyens susceptibles de résoudre tous mes problèmes. Son caractère s’est assombri, aussi. Là où son appartenance à la mafia n’avait aucune importance ni aucune conséquence sur lui dans la première version du roman, aujourd’hui elle en a des terribles. Dans « Ange déchu », la violence, c’est moi. Et elle aurait sans doute dévoré Sorata si mon espoir ne s’y était pas matérialisé sous les traits d’un autre personnage. Eagle Dans « Ange déchu », Sorata a besoin d’informations pour retrouver son frère, détail qui va attirer sur lui l’attention de la mafia. Le mafioso s’engage, si Sorata entre à son service sans discuter, à mettre à sa disposition son meilleur informateur. Au début, Eagle est apparu uniquement pour donner les bonnes pistes à Sorata. Il devait arriver puis repartir aussitôt. Mais Eagle est devenu pour Sorata ce qu’il était déjà pour moi : une flamme d’espoir. De l’âme cassée, Eagle est le côté lumineux, celui qui malgré les blessures n’a jamais cessé d’y croire. Celui capable, même, d’y croire pour deux, ou pour trois. Vous comprendrez en lisant leurs aventures pourquoi l’un ne va pas sans l’autre : parce que sinon, ils s’écroulent. Je vous rassure, ce genre de relation avec ses personnages est rare et n’est pas obligatoire ni pour en créer ni pour écrire une histoire. D’ailleurs, je n’ai de lien particulier qu’avec Eagle, Sorata et Awana, parce qu’ils sont l’écho d’une période particulière de ma vie. Ce lien intime n’est en aucun cas un prérequis. Le plus important, peu importe le personnage, est la cohérence. Un personnage peureux ne cherchera pas les ennuis de lui-même. En revanche, il pourra très bien gagner en courage au terme de son aventure. S’il évolue, c’est qu’il se trompe et apprend au contact de personnages qui ne pensent pas tous comme lui (notamment l’antagoniste). C’est bien. Ça veut dire que vous lui avez donné assez de consistance pour le rendre vrai. Dana B. Chalys
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Quel titre obscur, vous ne trouvez pas ? Pourtant il reflète exactement ce qu’a été pour moi la naissance et l’évolution de ma trilogie « Des proies pour l’ombre » (ou DPPO, c’est plus court).
Je vous explique tout ça ! Profil jardinier
Dans le jargon de l’écriture, je fais partie de ce qu’on appelle les « jardiniers ». C’est-à-dire que je plante la graine (l’idée de départ) de mon roman et que je la regarde pousser au fur et à mesure que j’écris. Je ne suis donc aucun plan et parfois je ne connais la fin de mon histoire qu’en arrivant à la moitié de la rédaction (le travail de correction ensuite est important pour vérifier la cohérence). C’est ce qui explique, aussi, mon incapacité à jauger la taille finale de mon histoire ; j’avise selon la progression.
DPPO : la graine
Tout a commencé avec un appel à nouvelles des éditions Laska en 2012. Niveau thèmes, on avait le choix entre 4 pistes : western, pirates, Highlands et vikings je crois, mais pas sûre. Bref. Pendant que ma partenaire de plume Émilie Milon planchait sur les prémices de sa super série Créatures de l’Ouest (ouaip, elle a choisi le western), je suis partie du côté des Highlands.
Les éditions Laska étant spécialisées dans la romance, la nouvelle devait bien évidemment être… de la romance. Vous suivez, c’est bien ! J’ai donc fait connaissance avec Keith, qui a fait connaissance avec John, puis Beth a tapé l’incruste, sans oublier White Mist Hall, le manoir de cette dernière. À ce moment-là, j’arrivais au bout du nombre de s.e.c. imposés et à moins de bâcler la fin pour en faire une histoire sans intérêt, j’ai compris qu’il me faudrait un petit peu plus de place pour développer l’intrigue. Cette genèse est la raison pour laquelle la romance entre Keith et John est le point de départ de la série. DPPO : l’arbre
Cette révélation acceptée, j’ai abandonné l’AT tandis qu’Émilie, elle, le remportait dans sa catégorie avec sa nouvelle « L’Ijiraq » (puis comme elle est un peu comme moi, 2 autres tomes ont suivi).
Résignée, disais-je – ou plutôt convaincue – je me suis remise à DPPO, qui ne s’appelait d’ailleurs pas comme ça mais juste « Il pleuvra sur la lande » aka « La lande ». J’ai écris, j’ai écris et puis la romance (un peu contre nature pour moi en tant que genre) a laissé la place à de l’aventure (chassez le naturel…). Mais comme j’ai aussi un petit cœur tout tendre, y’a quand même un peu d’amour dans l’air. À noter que je n’ai trouvé la fin de l’histoire qu’en arrivant au tiers du bouquin, et que cette fin m’a été inspirée par Manau et leur chanson « Un mauvais dieu ». (Oui j’adore Manau dont je suis encore l’actu.) DPPO : la forêt
Mais voilà. À un moment dans l’histoire débarque Shane, et avec lui toute la famille Stratton.
Et là bam ! c’est la cata. Petite parenthèse : j’ai toujours, dans mes histoires, un personnage censé n’avoir qu’un rôle tiers qui débarque avec ses gros sabots en me « disant » qu’il est capable de beaucoup plus si je lui donne sa chance. Dans « Le Choix de la Gargouille », c’était Nick. Dans « La lande », ça a été Shane. Mais le pire de tous ça a été Eagle ; ça fait 15 ans qu’il squatte ! Fin de la parenthèse. J’en reviens à Shane. Monsieur, donc, a décidé d’être finalement pas si tête à claques que ça et d’avoir en prime une fratrie intéressante. Si vous ne savez pas, les Stratton sont une famille de chasseurs occultes. Chaque enfant est entraîné et éduqué depuis l’enfance à chasser un type de proie : hématophage, métamorphe, aquatique, nécrophage… Au début chasseurs solitaires, les Stratton ont fini par devenir une organisation internationale avec des moyens très importants. Mais c’est une ambiance assez spéciale chez Shane, tellement qu’en arrivant à la fin de « La lande », j’ai commencé le tome 2 centré sur sa famille, avec la certitude qu’un tome 3 suivrait. De Il pleuvra sur la lande à DPPO
Quand on part sur une nouvelle et qu’elle devient un roman puis une série, il faut trouver un titre à cette dernière. Normalement les titres me viennent vite, parfois même avant l’écriture. Cette fois, ça a été plus compliqué. Dans ce genre de cas, faire un brainstorming est une bonne chose, ce que j’ai fait avec l’une de mes sœurs. Je ne me rappelle plus très bien le cheminement de notre pensée ni comment on en est venues à partir sur les expressions. Le fait est qu’on a opté pour « lâcher la proie pour l’ombre ». Ainsi est née ma série « Des proies pour l’ombre », avec au cœur de l’intrigue une personne qui, à un moment de sa vie solitaire, a lâché la proie pour l’ombre, entraînant dans son monde d’illusions des centaines de vies.
« Des proies pour l’ombre » a eu la chance de connaître une première vie, chez les éditions Flammèche, avortée par la fermeture de la maison fin 2017. Cette année j’ai tenté l’envoi à 4 maisons d’édition. Si la série est refusée partout, elle paraîtra en auto-édition afin que les lecteurs qui attendent le dernier tome puissent l’avoir. Alors, elle marquera la fin de mes publications en auto-édition, et sans doute la fin de toutes mes publications.
Mais ça, c’est une autre histoire. En attendant, je compte bien vous reparler de cette série qui a encore des secrets à révéler !
Dana B. Chalys
On m’a souvent posé la question de savoir quand et pourquoi j’ai commencé à écrire. Si cette interrogation revient souvent, c’est parce qu’il y a généralement un déclic, au-delà du « j’ai toujours écrit » ou du « j’écris depuis que je sais tenir un stylo ». Certes, oui, toutes les personnes ayant appris à écrire le font depuis mais chez certaines, l’écriture va plus loin et se mue en une discipline, un exercice régulier composé de différentes étapes d’apprentissage et de maturation, jusqu’au premier roman, jusqu’à la première publication. Écrire pour oublier Il n’y a pas si longtemps, quand on me posait la question, je répondais par une anecdote du lycée. Or, en repassant le fil de ma vie dans ma tête, et en prenant du recul sur elle, j’ai fini par comprendre que ce qui m’a poussé à écrire, c’est l’envie d’oublier. Oublier ma souffrance, ma différence. Oublier les humiliations régulières d’une maîtresse de primaire qui ne voyait en moins qu’une petite grosse. Parce que j’étais grosse, j’étais forcément fainéante (c’est bien connu, on prend du poids parce qu’on ne fait rien de ses journées). Parce que j’étais grosse et fainéante, j’étais forcément stupide. En plus je parlais peu, je restais souvent seule à la récré, je faisais un rejet de l’école… bref, je n’étais pas comme les autres. J’avais huit ans, ça m’a ravagée. Je sais aussi d’expérience qu’un enfant de cet âge-là est parfaitement conscient de la déviance du comportement de certains adultes. Il a aussi très bien conscience que dans le monde parfait des « grands » qui ont vécu et donc « savent », sa parole n’a aucune valeur. Parce qu’un gamin « ça ne comprend pas ». Oublier l’indifférence, la honte. Dans ces moments-là, parce que notre parole ne compte pas, on ne parle pas. On range dans un tiroir les lignes de punition que la maîtresse nous a fait recopier, disant en substance : « Je devrais être moins feignante et travailler plus », et on oublie en serrant les dents jusqu’à ce que, devenue adulte, on ne se souvienne de rien. Puis un jour, à un moment où le soleil perce un peu les sombres nuages laissés par les cicatrices d’une adolescence toute aussi lancinante, l’adulte blessée retombe sur cette écriture d’enfant et se rappelle. J’ai tout brûlé. Tous mes cours, tous mes cahiers, toutes les photos de classe que j’avais… tout, sauf mes diplômes et quelques cours de la fac. Écrire pour s’enfuir Je l’ai dit, le début de l’adolescence n’a pas arrangé mon malaise, mon mal-être. J’étais spectatrice d’un monde qui ne me plaisait pas sans moyen de m’en échapper. Je voyais des gens souffrir, des vies se briser, des proches mourir. De 11 à 19 ans, j’ai fait le deuil d’un être cher tous les deux ans environ : 1999, 2000, 2003, 2005 puis 2007. Des décès survenus pour la plupart après de longues maladies et beaucoup de douleur. Des disparitions qui font prendre du recul au point de vous forger une image de la vie si éloignée de celle qu’en ont les autres que personne ne vous comprend. Je ne sais pas ce qui a été le déclic, mais un jour à 14 ans je me suis assise face à mon ordinateur, j’ai ouvert un document texte et j’ai commencé à écrire l’histoire de Sia, une fille de mon âge qui se sentait étrangère dans sa propre famille. Une fille qui ne se sentait pas comme les autres, qui voulait fuir la rengaine du quotidien, la douleur de son existence. Sia a fait ce que je rêvais secrètement de faire : elle a fugué. Puis son arrivée dans un pays étranger l’a projetée dans un monde surnaturel où sa différence était respectée. Cette histoire, c’est « L’alliance des êtres ». Même si je ne l’ai jamais terminée, je sais que Sia, après ses aventures, goûtera un repos bien mérité en Bolivie, dans la ville de Sorata. Écrire par amitiéAu lycée, j’ai eu des amis (du moins les considérais-je ainsi). L’une adorait les histoires de princesses et les films du Seigneur des anneaux, l’autre était un littéraire pur jus qui assumait son homosexualité et son look gothique. Un jour, la première a lancé un défi à la manière de celui si célèbre de la villa diodati : chacun devait écrire une histoire. J’avais abandonné Sia aux prémices de son périple depuis quelques mois alors j’ai décidé de partir sur autre chose. Après avoir visionné l’adaptation animée de "X : 1999" des Clamp, j’ai eu une idée de roman mettant en scène deux frères. Puisque j’adorais déjà les vampires, mes deux héros le sont naturellement devenus. Et c’est grâce au littéraire homo-goth et à l’une de ses annotations en marge que mon personnage Sorata est devenu pansexuel*. D’ailleurs c’est sans doute sous son influence qu’inconsciemment j’ai toujours au moins un personnage homosexuel dans mes romans. Ainsi, le temps a passé, on s’est perdus de vue mais je n’ai jamais cessé d’écrire. *Edit du 28/05/2020 Ci-dessous, la fameuse annotation qui date de 2005, il me semble. Écrire pour y croire encore L’écriture est devenue mon échappatoire et l’écrin de mes rêves. J’ai mis et je mets encore dans mes histoires tout ce que je trouve trop peu dans le monde réel. C’est pourquoi je déteste écrire des fins tristes ; j’en ai trop connu. J’ai vu dans ma famille trop de femmes battues, trop de personnes détruites par l’alcool ou les drogues dures, parfois même par le mensonge, la tromperie… Écrire dessus serait comme revivre ma jeunesse, alors je ne le fais pas, tant pis si je dois passer pour une autrice naïve voire niaise, sans profondeur. Je m’en fous. Ce que je veux, ce sont de beaux sentiments, de grandes valeurs, du courage, de l’amitié, de la détermination, de l’honnêteté… toutes ces choses qui nous manquent tant. Qui me manquent tant. Car au fond, si j’écris, c’est parce que j’ai toujours envie d’y croire. Dana B. Chalys
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Dana B. Chalys, romancière de l'Imaginaire.
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